Crédit illustration : Art from the series Environmental Graphiti® - The Art of Climate Change by Alisa Singer. https://www.environmentalgraphiti.org
Pastille Climat #11 :
Les stratégies d’atténuation coûtant 100 USD (dollar US) (par tonne de CO2-équivalent) ou moins pourraient réduire les émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) par deux d’ici 2030 par rapport à 2019 (Niveau de confiance élevé). Dans toutes les modélisations, le PIB global continue à augmenter, mais, en ne prenant en compte ni les bénéfices économiques issus des dommages évités grâce aux actions d’atténuation ni les coûts réduits des stratégies d’adaptation, le PIB global est moins élevé en 2050 par rapport aux modélisations n’incluant pas de stratégies d’atténuation. Dans la majorité des études disponibles, le bénéfice économique global lié à la limitation du réchauffement à 2°C devrait excéder le coût des méthodes d’atténuations nécessaires (degré de confiance moyen).
(AR6, WGI, SPM, C.3.2)
Pour aller plus loin :
Ce paragraphe issu du rapport du GIEC est hautement incompréhensible. Mais il n’est pas sans rappeler les propos de Jadot, entendus au cours de la soi-disant
campagne présidentielle. Il y parlait du coût de l’éolien par rapport au nucléaire. C’est suite à
cette question que j’ai décidé d’aller jeter un coup d’œil dans le troisième volet du rapport du GIEC, paru en avril dernier et consacré à l’atténuation du changement climatique.
Aujourd’hui, on va pognon et éoliennes. De quoi faire surgir le loubbyiste du bois, me direz-vous. Mais non. Le projet n’est pas de lancer dans un énième débat nucléaire/éolien. De toute
façon, je n'ai pas les connaissances pour cela. Ce que je peux faire, en revanche, c’est vous expliquer comment le GIEC considère ces options d’atténuation.
Les options d’atténuation ? Quèsaco ?
Commençons par le début. Les options d’atténuation sont l’ensemble des stratégies qui peuvent être déployées pour réduire nos émissions de CO2. Elles peuvent être naturelles (par exemple, planter
des arbres) ou techniques (par exemple, stocker du carbone sous terre), elles peuvent reposer sur des décisions politiques ou des actions personnelles. Et elles sont bien nombreuses (voir la
figure ci-dessous).
Néanmoins, dès l’introduction de son rapport, le GIEC précise que, dans tous les cas, « les actions d'atténuation du changement climatique conçues et menées dans un contexte de développement
durable, d’équité et d’éradication de la pauvreté, et ancrées dans les aspirations au développement des sociétés au sein desquelles elles se déroulent, seront les plus acceptables, les plus
durables et les plus efficaces. »
Cette formulation vous semble naïve ? Je suis d’accord. Qui pourrait douter que des actions d’atténuations seront mieux perçues par les populations si elles sont jugées équitables ?
Personne.
Ah ! Attendez, on me dit dans l’oreillette que le parlement européen vient d’exempter la filière automobile de luxe de l’interdiction
de la vente des véhicules thermiques d’ici à 2035.
Bon. Faisons plutôt abstraction des débiles et poursuivons. Mais gardons bien en tête que les mots-clefs de ce rapport sont sobriété et
équité, et qu’on ne fera rien de bien si on perd ça de vue.
Petite précision, avant d’entrer dans le dur. Dans cette pastille, on va parler de deux choses :
• du potentiel de réduction des émissions (en tonnes ou gigatonne (Gt) équivalent CO2 par an). Pour info, les
émissions nettes humaines en 2019 étaient d’environ 59Gt en 2019. C’est donc par rapport à cette valeur qu’il faut voir le potentiel de réduction d’une méthode donnée.
• du coût. Mais du coût par rapport à quoi ? Quand le GIEC parle de coût d’une stratégie d’atténuation, c’est par rapport à
la technologie à laquelle elle se substitue. On chiffrera ça en dollar américain par tonne de CO2-équivalent, qu’on abrégera USD tCO2-eq-1.
Vas-y Bobby, envoie les chiffres !
Avec douceur, j’ai dit.
Déjà, le GIEC affirme clairement que les options de mitigation coûtant moins de 100 USD tCO2-eq-1 pourraient à elles seules réduire les
émissions de moitié en 2030 par rapport à 2019. Il va même plus loin, en soulignant que les options coûtant moins de 20 USD tCO2-eq-1 suffiraient à accomplir la moitié
de cet objectif. Par ailleurs, les plus importantes contributions coûtant moins de 20 USD tCO2-eq-1 viennent de l’énergie solaire et éolienne, des économies
d’énergies diverses (aka Sobriété) et d’une réduction de la conversion de nos écosystèmes. C’est donc en axant nos politiques sur ces points qu’on sera le plus efficace.
Il faut préciser un détail à ce stade : le GIEC souligne clairement des disparités régionales entre les coûts de mise en place de ces
stratégies. Les chiffres avancés ici le sont, comme souvent dans le cadre des travaux du GIEC, au niveau global. C’est donc également un élément qu’il faut garder en tête.
Pour y voir un peu plus clair, je vous laisse quelques instants en compagnie de la figure ci-dessous, extraite directement du résumé pour décideur. Cette
infographie, dites-vous que Macron et ses ministres devraient théoriquement l’avoir lue aussi, et ce, avant l’élection présidentielle. Libre à vous d’en tirer toutes les conclusions que vous
voulez.
IPCC AR6 WGIII Figure SPM7
Pour toutes les options d’atténuation (mitigation, en anglais) dans les différents domaines (énergie, bâtiment, transport, etc.), la longueur des barres colorées
correspond à leur potentiel de réduction des émissions. La couleur correspond à leur coût, comme défini plus haut. L’exemple mentionné ci-dessus pour l’éolien et le solaire est immédiatement
visible, en haut.
Tout ça, c’est super, mais c’est quoi ces histoires de PIB ?
Le PIB, à ne pas confondre avec le PLIB, le Prix Littéraire de l’Imaginaire Booksphère, pour lequel le Chant des Glaces était candidat l’an dernier (avez-vous lu le Chant des Glaces ???), est le Produit Intérieur Brut, utilisé pour évaluer la taille d’une économie, son évolution, etc.
Encore une fois, il ne viendrait à l’esprit de personne de dire que les mesures d’atténuation du changement climatique imposeraient le retour à la lampe à huile et au modèle amish et je… Ah, non, toujours pas.
Bon, quoiqu’il en soit, sachez que le GIEC affirme encore une fois l’inverse, disant que même le sacro-saint PIB ne devrait pas varier des masses avec la mise en place de politiques
d’atténuation. Il chiffre même ses résultats, en disant que dans tous les cas, le PIB global continuera à monter (environ 3 % par an jusqu’en 2050), et que si on choisit de
mettre en place un scénario limitant la température à 2°C au-dessus de la moyenne 1850-1900, le PIB sera, en 2050, seulement 1,3 % à 2,7 % inférieur à ce qu’il pourrait être si on
poursuivait les politiques actuelles. Alors, déjà, c’est pas énorme comme pourcentage. Mais en plus, le GIEC précise que son calcul ne prend même pas en compte les bénéfices tirés des coûts
d’adaptation réduits (en s’y prenant maintenant), ni les conséquences des dégâts générés par le changement climatique, et qui seraient évidemment moindre si des politiques d’atténuations étaient
mises en œuvre dès à présent.
Alors, Manu, t’es gentil, remballe ta lampe à huile !
Bon, je m’arrête là pour aujourd’hui. On a tous compris quel était le vrai sujet. Mettre en place des politiques ouvrant sur un monde plus équitable, plus juste, plus vert pour tout le
monde. D’ailleurs, c’est aussi marqué dans le rapport : les modélisations pour lesquelles le pic des émissions mondiales se fait en 2025 au plus tard impliquent certes de mettre en
place des transitions plus rapides et nécessitent des investissements initiaux élevés, mais elles produisent des gains économiques à long terme et profitent plus rapidement des bénéfices liés au
fait d’avoir évité des catastrophes climatiques. Autrement dit, on sauve des vies. Rappelons que 3,3 milliards de personnes vivent dans des contextes très vulnérables au changement
climatique.
« Quant à vous, les ministres, remballez vos menaces, vos sarcasmes, vos rêves de Ferrari et l’étalage de vos folies, » et là je suis en adresse directe pour créer un palier
d'intensité1, « car vous ne nous faites pas rêver. Sortez plutôt les foutus rapports du GIEC que vous avez utilisé pour caler vos bibliothèques et lisez-les. »
À la prochaine pastille !
Sources :
(GIEC, AR6, WGIII, SPM, TS et Full Report) :
IPCC, 2022: Summary for Policymakers. In: Climate Change 2022: Mitigation of Climate Change. Contribution of Working Group III to the Sixth Assessment
Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change [P.R. Shukla, J. Skea, R. Slade, A. Al Khourdajie, R. van Diemen, D. McCollum, M. Pathak, S. Some, P. Vyas, R. Fradera, M. Belkacemi,
A. Hasija, G. Lisboa, S. Luz, J. Malley, (eds.)]. Cambridge University Press, Cambridge, UK and New York, NY, USA. doi: 10.1017/9781009157926.001
https://www.radiofrance.fr/franceinter/le-nucleaire-beaucoup-plus-cher-que-le-renouvelable-yannick-jadot-dit-il-vrai-8529980
https://reporterre.net/L-Europe-interdit-les-voitures-thermiques-sauf-celles-de-luxe
https://www.liberation.fr/checknews/le-giec-juge-t-il-les-energies-renouvelables-quatre-fois-plus-efficaces-que-lenergie-nucleaire-contre-le-dereglement-climatique-comme-la-declare-jadot-20220406_OISPHJ3GYFHI7O7IQNQCC5ULEE/
https://bonpote.com/33-milliards-detres-humains-exposes-au-changement-climatique-le-nouveau-rapport-du-giec-est-sans-appel/
1 François Rollin, Kaamelott, Livre V, 4. Le dernier jour, écrit par Alexandre
Astier.
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