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Pastille Climat #9 : Les engagements des états.

Crédit illustration : Art from the series Environmental Graphiti® - The Art of Climate Change by Alisa Singer. https://www.environmentalgraphiti.org

Pastille Climat #9 :

« Chaque Partie établit, communique et actualise les Contributions Déterminées au niveau National successives qu’elle prévoit de réaliser. Les Parties prennent des mesures internes pour l’atténuation en vue de réaliser les objectifs desdites contributions. »
Accord de Paris, Article 4, Paragraphe 2.

 

Pour aller plus loin :

Cette phrase est extraite de l’accord de Paris. COP 21, 2015. Des beaux discours, un François Hollande et un Laurent Fabius heureux et rutilants comme deux V6 turbo hybrides sur une ligne de départ. Vous vous souvenez ? L’idée était de maintenir la température moyenne mondiale entre 1,5 et 2°C au-dessus de la moyenne 1850-1900, et si possible, de rester bien en dessous de 1,5°C.

Hé bien, pour pouvoir évaluer dans quelle mesure les objectifs mondiaux étaient compatibles avec ces ambitions, les états signataires, aussi appelés Parties (au nombre de 196), se sont engagés à fournir la liste de leurs objectifs climatiques post-2020. On appelle ces promesses des Contributions Déterminées au niveau National. En anglais, on parle de NDC, pour Nationally Determined Contribution.

L’idée sous-jacente est de s’assurer :
    • d’atteindre le plus vite possible un plafonnement dans les émissions de Gaz à Effets de Serre (GES),
    • de réduire franchement les émissions nettes après le plafonnement.

L’accord statue que les NDCs des pays sont soumises tous les cinq ans au secrétariat de la Convention Cadre des Nations-Unies sur les Changements Climatiques afin de faire un point sur la situation (et indirectement, de coller la pression à tous les retardataires).


Net ou pas net ?

Un détail. Quand on parle d’émissions nettes, on parle d’un bilan entre ce qui est émis et ce qui est absorbé.

Pour paraphraser le site du ministère de l’Écologie (#FrançoisDeRugy) :
« La neutralité carbone est entendue comme l’atteinte de l’équilibre entre les émissions de gaz à effet de serre et le puits de carbone, c’est-à-dire les absorptions par les écosystèmes tels que les forêts, les prairies, les sols agricoles et les zones humides, et par certains procédés industriels, tels que la capture et le stockage du carbone ».

Alors, qu’en disent les NDC ?

Regardez par vous-même ! Sur le graphique ci-dessous (directement copié du site des Nations Unies), vous pouvez voir en noir l’évolution de nos émissions de GES (GHG en anglais) entre 1990 et 2020. Vous noterez au passage la baisse des émissions correspondant à la crise mondiale de 2008.

En plages grises et bleues, les NDCs telles qu’elles ont été soumises à l’ONU en 2016 (surface grise) et cinq ans plus tard, en 2021 (en bleu). Ces estimations s’étendent jusqu’en 2030.

NDC Synthesis Report

Et dans le contexte des scénarios du GIEC ?

Là, c’est le grand moment. Celui où tous nos petits efforts de compréhension vont enfin être récompensés. Pour paraphraser un ami, « accrochez-vous, ça va pulser sévère ».

Dans les médias, on entend très souvent parler de la limite des 1,5°C ou des 2°C. Ici, je vous racontais que c’est à partir de ces limites qu’on va estimer comment les émissions de GES doivent évoluer pour les respecter. En conséquence, il existe donc une multitude de scénarios possibles satisfaisant les différentes contraintes de température.

Parmi tous ces scénarios, je me permets d’en détailler trois :

    • L’objectif actuel célébré par tous les politiques qui veulent verdir leur programme : celui de ne pas dépasser une hausse de température moyenne de 1,5°C par rapport à 1850-1900. Pour cela, le rapport du GIEC est assez clair : les émissions nettes doivent diminuer de 45 % entre 2010 et 2030, et atteindre zéro en 2050.

Ce scénario correspond au SSP1-1.9.

    • Une autre possibilité est plus souvent évoquée (notamment par ceux qui ont compris que le capitalisme forcené n’est pas compatible avec la protection de l’environnement, mais qui continuent à parler de croissance verte). Il consiste à limiter le réchauffement à 2°C par rapport à 1850-1900. Selon les travaux du GIEC, cela implique de réduire les émissions nettes de 25 % entre 2010 et 2030, et de les porter à zéro en 2070.

Ce scénario correspond au SSP1-2.6

    • Il existe un autre scénario, que nos chers dirigeants ne doivent probablement même pas connaître, et qui consiste à limiter le réchauffement à 1,5°C à la fin du siècle, tout en « tolérant » qu’au cours des prochaines décennies, la température dépasse ponctuellement cette valeur. En anglais, on parle de « 1.5 °C with limited overshoot ». En pratique, ce scénario se situerait entre les deux précédents.

    • Enfin, vous vous souvenez peut-être du scénario SSP2-4.5 ? Celui qui nous amène vers un +2,7°C bien tapé. Gardez-le en tête, je vous en dis pas plus. (si vous ne vous en rappelez plus, foncez immédiatement lire cette pastille !!!)

Fuuuuuusion !!!

Super. À présent, vous voilà blindés pour affronter le graphique final, ci-dessous. Je vous préviens, il est vraiment hyper moche.

Ce graphique montre l’évolution des émissions de GES au cours du temps, entre 2010 et 2060. En noir, on retrouve l’évolution historique mesurée au cours des dix dernières années, déjà illustrée au graphique précédent. La palette rouge, comme vous avez déjà dû le comprendre parce que vous êtes très forts (et parce que c’est marqué dessus) correspond aux engagements des états d’ici à 2030.

Quant aux courbes bleues plus ou moins larges illustrent les plages que devraient prendre les émissions nettes de GES pour respecter les limites de :
    • 1,5°C
    • 1,5°C with limited overshoot
    • 2°C

Enfin, en jaune, vous retrouvez notre scénario de l’angoisse, le SSP2-4.5. Scénario qui nous emmène sur des températures d'environ 3,2°C à l’horizon 2100.

Voilà. Désormais, vous aurez de quoi répondre à ceux qui veulent démonter des éoliennes.

Sur ce, je vous dis : « à la prochaine pastille ! ».

Pour info :
Le terme LULUCF qui apparaît sur le graphique correspond à Land-Use, Land Use Change and Forestry. Ce secteur est globalement un puits de carbone, qui couvre les émissions et séquestrations de carbone par les écosystèmes forestiers ou agricoles (biomasse et sols).



Sources :

IPCC, 2021 : Summary for Policymakers. In: Climate Change 2021: The Physical Science Basis. Contribution of Working Group I to the Sixth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change [Masson-Delmotte, V., P. Zhai, A. Pirani, S.L. Connors, C. Péan, S. Berger, N. Caud, Y. Chen, L. Goldfarb, M.I. Gomis, M. Huang, K. Leitzell, E. Lonnoy, J.B.R. Matthews, T.K. Maycock, T. Waterfield, O. Yelekçi, R. Yu, and B. Zhou (eds.)]. Cambridge University Press. In Press.

 

IPCC, 2022: Summary for Policymakers. In: Climate Change 2022: Mitigation of Climate Change. Contribution of Working Group III to the Sixth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change [P.R. Shukla, J. Skea, R. Slade, A. Al Khourdajie, R. van Diemen, D. McCollum, M. Pathak, S. Some, P. Vyas, R. Fradera, M. Belkacemi, A. Hasija, G. Lisboa, S. Luz, J. Malley, (eds.)]. Cambridge University Press, Cambridge, UK and New York, NY, USA. doi: 10.1017/9781009157926.001

Le rapport des Nations Unies est disponible dans son intégralité ici :
https://unfccc.int/process-and-meetings/the-paris-agreement/nationally-determined-contributions-ndcs/nationally-determined-contributions-ndcs

L’accord de Paris est disponible ici :
https://unfccc.int/process/conferences/pastconferences/paris-climate-change-conference-november-2015/paris-agreement

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